Le chocolat, c’est évidemment une histoire de gourmandise, mais aussi une incroyable histoire de voyages, d’aventures et de mythes anciens. Qui pourrait croire, en dégustant un délicieux chocolat chaud, que cette boisson existait déjà, sous une forme plus amère, chez les Aztèques qui la considéraient comme un breuvage sacré ? A la différence de la pomme de terre, qui nous est elle aussi parvenue après la découverte du Nouveau Monde, le cacao n’a jamais été un produit de consommation banal. Son histoire n’est pas une histoire populaire mais plutôt aristocratique, car c’est aux tables les plus prestigieuses qu’il s’est d’abord diffusé. C’est aussi un produit relativement récent dans notre alimentation, puisque nous ne le consommons que depuis les grandes expéditions vers les “Indes”, en réalité la découverte des amériques et de leurs trésors. Comment le fruit du cacaoyer, ces petites fèves extraites d’imposantes cabosses, qui poussent depuis l’an 4000 avant JC dans les régions tropicales d’Amérique du sud, est-il devenu l’un de nos produits préférés ? En route pour l’histoire du chocolat, de sa découverte à nos jours !

Le chocolat et les Aztèques

Le cacaoyer s’est épanoui dans les régions humides et tropicales d’Amérique du Sud il y a déjà plus de six millénaires, pourtant l’être humain n’a pas toujours utilisé son fruit, ni bien sûr organisé sa culture.

Ce n’est même qu’assez tard qu’il en a perçu l’intérêt et les bénéfices qu’il pouvait en retirer. On retrouve ainsi des traces de fèves de cacao dans les sculptures localisées par les archéologues dans le Golfe du Mexique et datant de -1700 à -1900 avant notre ère…c’est à dire tout de même il y a quatre mille ans ou presque ! La très ancienne civilisation Olmèque fut la première à consommer réellement le cacao, même si les indigènes se nourrissaient plus volontiers de la pulpe sucrée des cabosses que des fèves amères.

Cependant, la grande légende du cacao commence vraiment avec les Mayas et les Aztèques. Les Mayas ont non seulement réservé la dégustation de la boisson cacao aux cérémonies religieuses et on raconte son histoire dans le Popol Vuh, intimement liée à leur héros Hun Hunaphu.

Mais surtout ils ont largement diffusé les plantations de cacaoyers au Mexique et en particulier dans le Yucatan. La fève n’était d’ailleurs pas uniquement un aliment mais un instrument de mesure et surtout une monnaie d’échange. Un avocat valait trois fèves, un lapin une centaine… Et plus tard, c’est bien fèves de cacao contre pesos que se réalisera la conversion des “monnaies” avec les conquérants espagnols.

Plus tard, les Aztèques ont largement dominé la Mésoamérique et ont décidé de perfectionner la boisson que consommaient les Mayas.

Chez eux, ce xocoatl (qui a ensuite donné son nom au chocolat, bien sûr) était issu du cacahuatl (d’où “cacao”) et pouvait être consommé hors des moments religieux. Ce breuvage était différent de celui des Mayas: épicé lui aussi, il était plus souvent chauffé, épaissi à la farine de maïs, et on rapporte que l’empereur Moctezuma le consommait dans de petites tasses d’or.

Les Aztèques ont surtout diffusé le cacao au rythme de leur expansion. Hasard et ironie de l’Histoire, c’est leur défaite face aux conquistadors qui va offrir un succès mondial au cacao.

En effet, à l’aube du XVIème siècle, lorsque Cortès arrive près des côtes du Yucatan, l’empereur Moctezuma est persuadé qu’il s’agit de la divinité Quetzalcoatl, un dieu déchu devenu fou après avoir consommé…du cacao. Le retour de Quetzalcoatl est prédit par les prophéties, en réalité le conquistador espagnol va surtout prendre possession du territoire et ouvrir la voie vers l’Europe au cacao.

Hernan Cortes, navigateur célèbre pour la découverte du Mexique

L’arrivée du cacao en Europe

Le cacao se révèle ainsi au coeur d’un des plus importants événements de l’histoire de l’Humanité. Il est central dans la légende de Quetzalcoatl, qui contribue fortement à rendre Cortès presque invincible aux yeux des Aztèques.

Il est aussi crucial dans les échanges commerciaux qui ne tardent pas à se former. A dire vrai, ce n’est pas le tout premier contact de Cortès avec le cacao, puisque les conquérants espagnols avaient déjà eu l’occasion d’en découvrir à leur arrivée dans la caraïbe, en particulier au Venezuela et diverses îles.

Avec les Aztèques, ils découvrent cette boisson cacaotée qui n’est pas du tout adaptée à leurs goûts. Ils vont néanmoins réussir à la consommer en y ajoutant tout simplement du sucre. Rien d’étonnant à cela, quand on sait à quel point la culture de la canne à sucre va se développer avec la domination européenne de la région. Ils y remplacent aussi les épices trop amères par des épices qui leur sont familières comme la cannelle…

Par la suite, l’exportation vers l’Espagne de Charles Quint conduit à modifier encore davantage la recette : de la vanille, parfois du miel, accompagnent le breuvage qui devient bientôt celui de tous les Grands d’Espagne.

A noter, cependant, la défiance de l’église catholique, qui ne voit pas d’un très bon oeil cette boisson excitante, voire aphrodisiaque. Le cacao aura aussi du mal à franchir les Pyrénées pour séduire la France. Sa diffusion progresse grâce à Anne d’Autriche, épouse du roi Louis XIII qui n’aime guère ce nouveau produit donc peu consommé à la Cour.

Charles Quint, le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle

C’est surtout l’infante Marie-Thérèse qui va l’imposer à la cour du Roi-Soleil, Louis XIV. Le cacao est d’ailleurs au coeur d’une véritable “love-story” au Pays basque entre eux. Louis XIV épouse Marie-Thérèse dans l’église de Saint-Jean-de-Luz pour mettre un terme à trente années de conflit avec l’Espagne.

Cette dernière n’aime, dit-on, que deux choses : le roi et le chocolat. C’est le début d’une magnifique histoire pour la boisson chocolatée qui fait une entrée fracassante dans la gastronomie française.

Ce passage de l’Espagne à la France est immortalisé par de nombreuses chocolateries au Pays basque. Plus tragique, le cacao se diffusera aussi, à Bayonne notamment, à cause de l’Inquisition qui pousse les juifs d’Espagne à fuir et s’installer côté français de la frontière.

L’infante Marie-Thérèse, qui disait-on, n’aimait que le Roi et le Chocolat

L’histoire du chocolat, une histoire tragique, magique, une histoire d’amour et de gourmandise aussi bien sûr !

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