« Mieux qu’au jardin, on découvre la pensée entre les pages d’un roman : elle est à son affaire. Décolorée, mais décantée. Son essence tient dans sa structure : un désir de platitude que l’écrasement des pages révèle à la perfection, pétale sur pétale, avec cette coiffure haute des filles de 1940. Elle avait des mauves, des jaunes, des bleus différents, qu’elle ne regrette pas. Elle a choisi l’exsangue éternité du livre. »
Le Caractere de la bruyère
Le Caractère de la bruyère
Demandez à Philippe Delerm de cueillir une fleur parmi la trentaine citée dans son dernier ouvrage, il choisira la pensée, « car elle semble avoir déjà choisi le papier. » Dans Le Caractère de la bruyère, paru chez Albin Michel, « il ne s’agit pas d’écrire sur les fleurs comme on le fait en général ». « Je me suis amusé à leur prêter une espèce de personnalité », explique l’auteur, « et à mettre en valeur ces goûts qu’elles peuvent nous inspirer ».
 
Pour ce faire, l’écrivain normand a reçu le soutien artistique de Madame Delerm, son épouse. « Martine s’est efforcée de peindre les fleurs d’après les textes que j’ai écrits, mais elle a gardé toute sa liberté. Au départ, nous craignions que ses annotations au crayon à papier ne soient pas assez visibles », confie-t-il. « Si le procédé n’est pas très académique », le résultat est en tout cas original, « comme un carnet de croquis à l’aspect écologique et raffiné » qui tiendrait dans une poche.
 
Dans le fond comme pour la forme, les lecteurs de ce peintre des petits bonheurs au quotidien reconnaîtront l’empreinte Delerm, que la critique considère aujourd’hui comme « le chef de file d’une école littéraire minimaliste et humaniste ». « D’un côté, le guetteur d’enfance et de mémoire. De l’autre, le buveur de petits instants découpés dans le présent », dit-il.
En langage floral, cela pourrait se traduire par l’œillet, « que les hommes portaient à leurs boutonnières lorsque j’étais enfant et qui, aujourd’hui, est complètement désuet ». « Même dans les jardins on en voit moins. Il vit avec son temps. D’avant », peut-on lire entre deux aquarelles. S’il est d’abord naturel, le rapport qui lie l’homme à la fleur devient ainsi social, sensible aux modes, au temps.
Saisir un souvenir, un détail, « cette chose à portée de main mais qu’on ne voit pas toujours », pour en faire un plaisir minuscule, ce petit rien qui est la marque de fabrique de l’auteur et qui fait toute la grandeur de son œuvre. Car au-delà de tous « ces gens qui aiment me lire parler de ces petites choses », Le Caractère de la bruyère devrait assurément recevoir un accueil fleuri de la part de tous les amoureux de la nature.

Philippe Delerm

Le minimaliste positif

Installé en Normandie depuis 1975, année de son mariage avec Martine, Philippe Delerm est découvert par le grand public en 1997 avec un recueil de poèmes en prose désormais célèbre : La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. Dix années plus tard et autant d’ouvrages à succès à son actif, ce professeur de lettres décide de privilégier sa carrière d’écrivain et va diriger la collection « Le goût des mots » pour les éditions Seuil.
En 2005, Rémi Bertrand lui consacre un essai : Philippe Delerm et le minimalisme positif. Aux cercles parisiens, l’auteur préfère la nature et le sport. Après avoir collaboré au journal L’Equipe, il a notamment commenté les épreuves d’athlétisme aux Jeux olympiques de Pékin.

Dans la famille Delerm, demandez le fils !

Vincent Delerm
Martine, illustratrice de romans pour la jeunesse, et Philippe, auteur renommé et populaire, ont un fils : Vincent, auteur-compositeur et interprète.
Porté par la nouvelle vague des chanteurs à textes apparue au début de la décennie 2000, Keren Ann et Benjamin Biolay en tête, Vincent Delerm obtient une Victoire de la musique en 2003 après la sortie de son premier album. On lui doit également Kensigton Square en 2004, Les Piqûres d’araignées en 2006 et Quinze chansons en 2008.
Aux critiques qualifiant ses chansons de « minimalistes », le jeune artiste répondait en 2006 : « Je n’aime pas qu’on parle de minimalisme. C’est juste la vie qui est comme ça et qui retient des éléments qui n’ont pas forcément l’air d’être les plus importants ! »

Crédits photos : Albin Michel

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