Est-il au monde une douleur plus cruelle, plus aiguë, que celle de la perte d’un enfant ? Nous ne sommes ni philosophiquement ni biologiquement préparés à survivre à notre descendance. Lorsque cette tragédie survient, les parents sont alors confrontés à l’étrange solitude des chagrins trop immenses pour être dits. Le deuil périnatal enferme donc souvent dans un silence, créant ainsi une sorte de tabou autour d’un traumatisme insurmontable.

Comprendre que chaque cas est unique

Les réactions parfois maladroites ou embarrassées des proches contribuent souvent à aggraver ce tabou: l’injonction à “avoir rapidement un autre enfant” ou au contraire à “ne pas oublier” peut accroître le désarroi dans lequel se trouve la maman brutalement privée du bébé que le couple attendait avec impatience. “Faire le deuil de son enfant” peut aussi être vécu comme une pression de la part d’un entourage, et de toute la société, pour lesquels le décès d’un tout-petit est encore une chose à oublier rapidement et dont il ne faudrait pas parler. En réalité, c’est peut-être là le plus important : si rien ne console de cette perte irrémédiable, il est nécessaire de trouver les mots, et les moyens adaptés à chacune, pour surmonter ce trauma. 

Le cas du deuil périnatal

Pendant longtemps, ce qu’on a appelé “la conspiration du silence” faisait presque obligation à la jeune maman démunie de passer à autre chose, d’envisager rapidement un bébé “de remplacement”, et de ne pas s’enfermer dans une période noire de la vie du couple. Les pères étaient eux aussi relativement privés du droit d’exprimer leur douleur, même lorsque cette souffrance était très intense. A l’inverse, aujourd’hui, il est largement admis que la mère privée de son enfant doit pouvoir parler mais cette période de deuil risque, dans certains cas, de la brusquer également.

L’important est donc de comprendre que chaque cas est absolument unique. Certaines mères ont besoin d’une période de silence qui leur permet de dénouer en douceur le lien très fort qui les unissait à cet enfant juste né ou en devenir mais qu’elles aimaient déjà. D’autres ont au contraire besoin de mettre des mots sur le drame qu’elles vivent, que ce soit auprès d’un proche, de la personne qui partage leur vie, ou encore d’un professionnel de l’écoute ou de santé. Ces derniers sont d’ailleurs mieux formés depuis plusieurs années pour accompagner leurs patientes et recueillir leur parole accentuer la situation grave qu’elles traversent.

Il est, entre autres, possible de voir son bébé, de lui donner un nom et de l’inscrire à l’état-civil comme la personne à part entière qu’il aurait dû être. Ces moments relèvent du libre choix du couple et de la mère. Selon les personnes, cette dernière rencontre avec son enfant, qui peut recevoir aussi de véritables funérailles, permet de mieux appréhender ce qui est en train de se passer. C’est une occasion de lui exprimer une dernière fois de l’amour, ou tout simplement de rendre réel un décès qui, après des mois de grossesse voire un accouchement, peut sembler du domaine du cauchemar empêchant les étapes du deuil. Là encore, l’essentiel est d’éviter toute pression psychologique supplémentaire et de laisser la mère et l’autre parent libres d’exprimer leurs volontés.

Lire aussi :

Un impératif : ne pas s’isoler

Pour autant, s’il est crucial que chaque parent puisse vivre ce moment douloureux selon sa sensibilité, son histoire et sa culture, il est également indispensable de ne pas s’isoler pour ne pas plonger dans une spirale dépressive ou morbide.

Parler et s’exprimer librement

La parole doit pouvoir circuler en sécurité dans le cercle familial, c’est même un élément-clef du processus de deuil. Retrouver un espace de dialogue avec sa compagne ou son compagnon est très important pour pouvoir échanger sur une tragédie vécue à deux, prendre des décisions importantes comme l’inhumation par exemple, ou encore se projeter dans un avenir commun sans ce bébé. Discuter avec ses autres enfants permet aussi de vérifier comment ils vivent la situation, comment ils la comprennent, et de s’apporter mutuellement un soutien précieux dans ce moment de peine pour toute la famille. Cela permet aussi de donner une place dans la fratrie à cet enfant trop tôt disparu, tout en n’amoindrissant pas celle de chacune et chacun des autres membres, pleinement associés à la vie de la famille.

Se faire aider par des professionnels

Il est parfois trop difficile de prendre la parole dans le cercle familial. Dans ces cas-là, il ne faut pas hésiter à en sortir pour solliciter l’oreille attentive de professionnels. Il peut s’agir par exemple des personnels de pompes funèbres, qui peuvent assister les parents endeuillés dans l’organisation d’une cérémonie de derniers adieux permettant d’atténuer leur peine. Ou encore pour un monument funéraire qui les apaisera lorsqu’ils visiteront leur enfant dans les futures années. Il peut aussi s’agir de psychiatres et psychologues, ou de personnels médicaux spécialement formés, en particulier dans le cas des interventions médicales de grossesse lorsque les parents font face à une grave difficulté médicale. Certaines maternités ont aussi ouvert des groupes de soutien et de parole. Il est également possible d’avoir recours à des aidants issus d’associations d’écoute comme “Apprivoiser l’absence”.

Beaucoup de sentiments doivent être exprimés à l’occasion du deuil d’un enfant : la tristesse infinie bien sûr, mais aussi la colère, le sentiment de vide, d’échec voire de culpabilité…Le deuil périnatal est une véritable épreuve physique mais aussi psychologique. Il est donc absolument recommandé de trouver le cadre de confiance dans lequel dire ces sentiments sur lesquels il n’est pas toujours facile de mettre des mots.

Lire aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut